Professeur de science politique à l’université Panteion d’Athènes. Loin de voir un acte démocratique dans le référendum annoncé par le premier ministre Georges Papandréou, il n’y voit que l’énième geste de survie d’un système politique corrompu et à bout de souffle.
Pourquoi estimez-vous que le référendum annoncé lundi soir par le premier ministre socialiste Georges Papandréou est un «chantage»?
Je ne suis pas le seul à le dire. C’est ce que dit l’opposition, c’est ce que dit une large partie du PASOK, le parti du premier ministre. Car au fond, quelle que soit sa formulation, la question qui sera posée lors de ce référendum sera «êtes-vous pour ou contre l’Union européenne?». Or pour la société grecque, profondément européenne, la question ne se pose pas! Cette décision de convoquer un référendum a suscité ici une grande colère dans toute la société. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il s’agit d’un chantage de la part du premier ministre pour casser ses responsabilités et transférer la responsabilité à la société. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que ce référendum aura vraiment lieu. Car si c’est le cas, la réponse sera forcément «non» tant la société grecque est mise dans un coin depuis des mois. Le problème, c’est qu’une réponse négative aurait des conséquences terribles vis-à-vis de l’appartenance de notre pays à l’Union européenne et à l’euro. La situation est explosive.
La politique du gouvernement est mise en accusation. Le gouvernement actuel n’est certes pas responsable de l’endettement du pays, mais il a fait tout son possible pour ne prendre aucune décision pendant des mois en affirmant qu’il y avait de l’argent dans les caisses, et ce afin d’éviter l’intervention du FMI et de l’Union europénne. Par la suite, le gouvernement n’a rien fait pour respecter les engagements pris. Il fait payer l’endettement du pays aux salariés! Il n’a rien fait pour réformer l’Etat, rien. On a continué d’embaucher des fonctionnaires, alors même que le gouvernement promettait à l’Union européenne de les limiter. Papandréou aurait dû réformer le système politique et lutter contre la corruption et la fraude fiscale. Il n’en a rien fait…
Vous estimez que la société grecque est prise en otage depuis des décennies par une «partitocratie dynastique» dont la mainmise sur l’Etat menace désormais le pays et l’Union européenne tout entière.
La crise grecque est politique. Les banques grecques n’ont pas été impliquées dans les produits toxiques. La crise a été provoquée par l’endettement de l’Etat irresponsable, qui pendant des années n’a pas développé le pays et n’a pas investi. La classe politique grecque pille l’Etat depuis les années 1980. Chaque gouvernement depuis Andreas Papandréou, le père de l’actuel premier ministre, a préféré s’approprier les biens publics, au détriment du développement du pays. L’Etat a été accaparé par les grands partis. La classe politique s’est habituée à se comporter en despote vis-à-vis de la société. La société grecque est en révolte, et je crains vraiment des événements violents. Le 28 octobre, le jour de la fête nationale, le pays a boycotté les hommes politiques. Il n’y a plus un homme politique qui ose encore aller dans un restaurant ou un café, sous peine d’être insulté ou menacé. Les professeurs d’université ont perdu 40% de leurs salaires! 40% des jeunes sont au chomage. Mais les hommes politiques, eux, n’ont pas revu leurs rémunération et leur train de vie, même de façon symbolique.
Que peut faire l’Europe?
La faute de la politique européenne vis-à-vis de la Grèce a été de donner une légitimité sans mesure à la classe politique grecque et au gouvernement. On n’a pas tenu compte du fait que nos leaders politiques ne sont pas crédibles, et que derrière ces gouvernements dangereux, le peuple souffre. La Grèce, ce n’est pas que son gouvernement. L’Etat et la classe politique sont responsables de la crise, on ne peut pas donc s’appuyer sur eux pour en sortir. Il faut renverser la table avec un gouvernement qui exclut les politiques et a pour mission de changer le système politique. Sinon, on n’arrivera à rien. De la même façon, il faut faire entrer les sociétés européennes dans le système politique. Il est oligarchique, n’a aucune légitimité populaire et n’est contrôlé par personne.
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