Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce, Éditions Hatier, Paris, 1992, pages 433-436.
“…..L’alternance, avec 1’arrivée du PASOK au pouvoir en 1981, confirme la solidité des fondements du système politique. Elle ouvre en même temps une période d’adaptation du pluralisme représentatif et d’édification d’un système «corporatiste” dans tous les domaines du secteur public au sens large. Il s’agit en réalité d’un « corporatisme » partisan, d’une intégration des corps intermédiaires aux divers niveaux du pouvoir, de telle sorte que soient assurés le contrôle du parti et, au-delà, la reproduction et la pénétration socio-politiques de ses cadres. Cette solution aboutissait en fait, non pas a une redistribution du pouvoir au profit du corps social, mais à la possession conjointe des ressources sociales par le parti et ses nouveaux partenaires par le moyen du pouvoir. Si cette politique conduit à 1’intégration sociale et politique d’un large secteur de la société, à long terme, elle va accélérer la pression sociale et la contestation de 1’ensemble du système du pouvoir, ce qui va très rapidement confronter les dirigeants du PASOK à ce qu’ils ont crée.
Le second mandat gouvernemental du PASOK (1985- 1989) est marqué par ce double affrontement. II tente de conquérir 1’État en neutralisant les anciens compagnons de route corporatistes du pouvoir. En même temps, il défend 1’autonomie du pouvoir de la classe politique centre la contestation sociale. Cette double confrontation conduira la direction du parti au pouvoir à se placer au-dessus de la dynamique sociale et politique en essayant de plus en plus d’enfermer sa clientèle électorale dans 1’argument « historique » (par ex. les responsabilités de la guerre civile, le parlementarisme sous tutelle, l’« apostasie », la dictature, etc.), de mobiliser des pratiques clientélistes désuètes et de s’approprier ouvertement les mécanismes et les ressources de 1’État. II y a là un cas typique de dérive du pouvoir, dont les expressions extrêmes sont 1’édification d’un système de corruption diffus dans 1’État et le pouvoir
gouvernemental (dont les « affaires » sont 1’aboutissement), avec des complicités sociales (une multitude de subsides, des dizaines de milliers de postes attribues, etc.), le nivellement des mœurs socio-politiques, le pays lourdement hypothéqué auprès des préteurs étrangers, la politisation de masse de la société et la mise sous tutelle partisane totale des medias du secteur public.
La période qui s’ouvre en 1985 coïncide en effet avec le point culminant de la réaction politique à la contestation sociale sans cesse croissante de 1’autonomie et de l’« auto-suffisante » traditionnelles du pouvoir. Cette autonomie distinguait déjà à maints égards le système politique grec, mais connait un retour en force avec 1’aile de la direction de 1’Union du centre qui pendant les années soixante avait été à 1’initiative de 1’accélération de la démocratisation du pays et qui, après la dictature, a apporté sa contribution à la recomposition du champ politique
et idéologique.
L’on enregistre indéniablement à cette période un décalage très net entre la volonté politique du pouvoir et la dynamique d’une société dont les caractéristiques fondamentales s’accordent à 1’économie de marché, en particulier celle de 1’époque commerciale et industrielle. Malgré la stagnation industrielle subie par la société grecque (les indices industriels de 1990 restent au niveau de ceux de 1980), son intégration institutionnelle dans le complexe économique européen global, qui se concrétisera lorsqu’elle devient le dixième pays membre de la CEE en Janvier 1981, va contrebalancer ses pertes de dynamisme, face aux résistances de la classe politique. La CEE devient ainsi pour la Grèce un facteur capital de sa modernisation.
Le désaveu du gouvernement du PASOK aux élections de 1989 et 1’impasse parlementaire sur laquelle débouchent la rigidité du système du parti et la loi électorale vont conduire à 1’expérience inédite d’un gouvernement conjoint de la Nouvelle démocratie et de la Coalition de la gauche, puis d’un gouvernement d’« union nationale ». Ce n’est qu’en 1990 que la Nouvelle démocratie sortira victorieuse des élections et formera un gouvernement homogène.
La crise profonde et multiple dans laquelle le pays s’enfonce vers 1’expiration du premier mandat du gouvernement socialiste se fera surtout sentir à la fin des années quatre vingt, au fur et à mesure que ses incidences sur 1’intégration de la Grèce dans 1’Europe unie, ainsi que sur son rôle dans 1’ensemble de la région après l’effondrement du socialisme réel deviennent évidentes. Bien que les incidences de cette crise se fassent sentir davantage dans le domaine de 1’économie et dans les autres secteurs de la vie sociale, il est clair que sa cause première se rattache à la crise du système politique, et plus précisément à la crise de la représentativité due au système des partis et à la classe politique. Si la dernière période de gouvernement du PASOK de 1985 à 1989 s’est accompagnée d’un certain sursaut autoritaire, il n’en est pas moins évident que le problème est global, qu’il concerne plus ou moins 1’ensemble de la classe politique grecque, et que, d’une certaine façon, il dépasse les limites du cas grec…..”.
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