Georges Contogeorgis
La politique entre l’«État pouvoir» et l’«État puissance»
1. La politique est considérée comme le véhicule par lequel se réalise l’action de l’État et grâce auquel ce dernier assure donc ses fonctions. La politique est en ce sens la question prioritaire que soulève toute problématique concernant l’action de l’État. En même temps, la référence à l’État nous amène nécessairement à nous interroger sur la nature du système de cosmos – du cosmosystème – moderne.
Le retour au concept de la politique s’avère fondamental car, selon qu’il s’agit de la politique interne de l’État ou de la politique extérieure, nous ne parlons pas du même phénomène. Cette transformation du fait politique est de nature typologique et correspond à la constitution statocentrique du cosmosystème moderne. Nous entendons par là que le cosmos moderne est formé sur la base de nombreux États, qui s’articulent au fur et à mesure pour assurer une cohabitation obligée. Le statocentrisme – et, au-delà, l’approche différenciée de la politique – apparaît dans la modernité comme une constante incontestable de la vie, qui professe alors son hypothèse que le cosmosystème moderne n’est plus susceptible d’évolution .
L’option pour l’une ou pour l’autre dimension de la politique n’est pourtant pas anodine, puisqu’elle renvoie à un modèle d’État profondément distinct et par voie de conséquence à un statut socio-politique de l’homme différent. En effet, admettre que l’État est l’espace socio-politique par excellence de l’être humain, c’est reconnaître à la fois que la citoyenneté via laquelle il s’épanouit et se développe en termes de liberté, de droits fondamentaux (par exemple, au travail, dans la prévoyance, dans la vie en général), etc., est un statut qui ne convient qu’à lui. En dehors de son État d’appartenance, l’être humain n’est pas reconnu comme citoyen, avec tout ce que cela entraîne ; il est admis à titre d’étranger, il est toléré et éventuellement apatride.
Dans cet environnement cosmosystémique, on assiste à la naissance du paradigme Europe, qui consiste à inclure l’État – la société fondamentale politiquement constituée – dans un autre système politique superposé. En quoi consiste alors ce paradigme ? Faut-il supposer qu’à travers ce paradigme on peut accéder à une réflexion qui dépasserait la constitution statocentrique du monde moderne ? Et au-delà, se demander s’il ne s’agit pas plutôt d’une phase dans l’évolution humaine ? Et en ce cas, quel sera le sens de l’évolution ? Peut-on s’attendre à un stade méta-statocentrique de l’humanité ?
2. La distinction entre politique interne (la politique dans l’État) et politique externe (la politique au-delà de l’État) est généralement admise sans pour autant qu’on ait conscience de la différence de nature qu’elle implique. Chez les anciens Hellènes, on connaissait la distinction. Aristote a orienté essentiellement sa réflexion sur la politique interne et plus précisément sur la nature et le fonctionnement de la politéia. Thucydide, pour sa part, semble ne pas suivre cette division, d’autant plus qu’il envisage la politique externe comme une action qui s’élabore largement au sein de la politéia de la cité-État. Pourtant, il admet clairement que la politique au sein de l’État n’est pas de la même nature que celle qui régit les relations inter-étatiques. La politique menée par la cité vis-à-vis du monde extérieur est basée sur la puissance pure et simple .
Quoi qu’il en soit, la politique, qu’elle soit interne ou externe, est pour la modernité attachée à l’action de l’État. De l’État seul, s’il s’agit de la politique interne, des États de concert, quant aux relations internationales. Les développements récents qui relèvent essentiellement de ladite «mondialisation» laissent entendre que le point de vue qui reconnaît le monopole de l’action politique de l’État correspond plutôt à la période précédente, celle de la souveraineté étatique . Entre cette période et la suivante, qui consiste en la contestation du monopole politique – tant interne qu’externe – de l’État, s’intercale la demande croissante des acteurs socio-économiques de se faire légitimer dans un rôle de «forces intermédiaires», voire de partenaires du processus politique. Néanmoins, l’État moderne reste largement la source de la politique tout en incarnant littéralement le système politique . En fait, on est en présence de deux choses distinctes : il est vrai que le système politique, et donc la délibération politique, sont identifiés à l’État ; mais la dynamique politique est partagée avec les forces intermédiaires, dans un contexte d’équilibres qui varient dans le temps et dans l’espace.
L’identification de la politique et du système politique avec l’État est à la base de la confusion qui régit la science politique moderne quant à son objet. D’abord, elle définit son propre domaine en fonction non pas de sa propre nature mais de la structure qu’elle a rêvée à l’époque moderne. Ainsi la politique apparaît-elle comme une tautologie de l’État, de même que le système politique. Ensuite, elle semble ne pas avoir conscience de la différence profonde qu’il y a entre le phénomène politique en soi et l’action politique. L’un prend forme et est géré par le système politique. L’autre concerne la dimension opérationnelle des agents de la politique. Ainsi parle-t-on de la politique économique, des politiques publiques, de la politique extérieure, etc. Or, à proprement parler, la science politique a pour «objet» la constitution politique de la société, la façon dont la relation s’établit entre le social et le politique ; tandis que l’action politique revient à la responsabilité des sciences de la politique : de l’économie politique, du droit, des relations internationales, etc.
En effet, la science politique constitue le noyau des sciences de la politique, du fait que son «objet», le système politique, est le producteur des «objets» de chacune des autres disciplines. À admettre, donc, que la politique égale l’État et que ce dernier incarne le système politique, on avoue également qu’on ne distingue pas à l’horizon de formule alternative de constitution politique de la société et que le cadre de la production de politique est donc définitivement donné.
Indépendamment de la justesse ou non de cette position, que nous allons examiner plus loin, cette approche nous rappelle la différence fondamentale qui distingue la politique à l’intérieur de l’État de la politique inter-étatique. En effet, l’action interne de l’État – la politique dans l’État – se développe dans un cadre politiquement constitué, c’est-à-dire en termes de système. La politique interne, menée par un système constitué sous forme de pouvoir, est conçue comme l’action du pouvoir. À l’opposé, la politique externe se situe dans un contexte différent. Bien que, du point de vue décisionnel, elle renvoie au processus politique de l’État, son action se développe au-delà de son système politique (et donc de son cadre réglementaire) et de ses frontières.
3. Qu’y a-t-il au-delà de l’État ? Il y a en principe les autres États, qui agissent soit dans un climat de synergie soit souvent dans une situation d’antagonisme et de conflit. C’est précisément cette forme d’action que recommande, nous l’avons déjà vu, la nature propre du cosmosystème moderne qui est de caractère statocentrique. Or, le cosmosystème moderne, conçu comme une articulation des États, peut être traduit en ordre international ; il ne forme pas un système politique synthétisé, articulé, au sens propre du terme .
S’il s’agit de faire le parallélisme du système étatique et de l’ordre international ou cosmosystémique moderne, on doit admettre que l’État est certainement l’acteur principal des relations internationales ; mais son action ne se situe pas dans le cadre d’un cosmoÉtat. Autrement dit, dans son action externe, l’État agit en termes de puissance et non pas comme pouvoir.
Y a-t-il une différence entre pouvoir et puissance ? D’après la science politique moderne, non. On traite en général ces deux concepts comme s’ils étaient identiques ou plutôt homothétiques . Cette confusion s’ajoute à l’autre, celle qui existe entre politique et pouvoir, que nous avons déjà énoncée. Ainsi l’approche de la politique comme tautologie du pouvoir est-elle égale à l’approche de la politique comme puissance .
Pourtant, cette confusion n’est pas sans conséquences. Car la différence entre pouvoir et puissance et, au-delà, entre l’État pouvoir et l’État puissance, est capitale. Le pouvoir renvoie à un cadre réglementaire auquel se soumettent aussi bien ses agents que les acteurs de la société civile, y compris le corps social. Il y a donc un minimum de légalité qui permet l’émergence de la citoyenneté, en l’occurrence de la liberté individuelle, de droits socio-politiques et finalement d’un système de référence sociale.
Le détenteur de la puissance au sein de l’État a des limites dans son action : il n’a pas le droit de recourir à la force – aux armes –, il doit respecter le corpus des libertés et des droits reconnus à la société privée, il est soumis à la loi. En dernière analyse, le détenteur de puissance dans un système à référence sociale n’est pas légitimé à traduire en décision sa propre volonté. C’est l’agent du pouvoir qui a cette capacité. Le détenteur de puissance essaie d’influencer le pouvoir, de le conduire d’une façon ou d’une autre dans son sillage, mais il est soumis au pouvoir.
Le pouvoir en général définit l’institution différenciée qui incarne la possibilité légale et si possible légitime de décision ; ses agents sont censés délibérer pour leur propre compte – si le système est despotique – ou pour le compte de leurs mandants. Le pouvoir est reconnu comme ayant le droit de légiférer, de diriger la communauté. Le pouvoir agit, lui aussi, dans un cadre réglementaire. Il peut disposer de puissance ou non ; mais le recours à la puissance est conditionné par la légalité «démocratique» et les disponibilités légitimes des clivages sociaux. Bien que le pouvoir se réserve le monopole de la contrainte, dans les conditions de société libre, son action obéit plus ou moins à la légitimité sociale.
À l’opposé du pouvoir, et en conséquence de l’État pouvoir, l’État puissance , et plus précisément l’État comme acteur de l’ordre cosmosystémique, ne détient pas l’autorité décisionnelle. Son action n’est même pas soumise en principe à un cadre réglementaire ; il obéit essentiellement au rapport des forces. L’État puissance se situe au-dessus de la loi, il entend incarner la loi. Pour que sa volonté revête la forme d’une décision légale, il faut que celui qui est concerné, par exemple le pouvoir politique d’un État tiers, l’adopte. L’autre solution est que l’État puissance fort dicte sa volonté ou enfin qu’il occupe le pays tiers qui résiste par la force des armes .
Prenons l’exemple des Etats-Unis : la volonté de ce pays de promouvoir sa politique sur la scène internationale émane d’une décision de son gouvernement qui est autant légale que légitime du point de vue de l’État pouvoir. Mais dans le cadre international, cette décision interne n’exprime qu’un désir, qui ne prend la forme d’une décision vis-à-vis des pays concernés que si ces pays la font leur ou obéissent par obligation. Car l’ordre international reconnaît en principe aux États-Unis le même statut qu’a tout autre pays. Ils peuvent donc agir en État puissance soit en concertation avec d’autres pays soit en ayant recours à leur poids politique, économique ou enfin militaire. Pendant la guerre froide, l’État puissance de l’Amérique a fait valoir la doctrine de la souveraineté limitée des États pouvoir appartenant au camp occidental, qui consistait à dire que l’alternance au pouvoir était permise sous réserve que les partis politiques visés se situaient dans la ligne de l’orthodoxie libérale . Si l’électorat ne s’y harmonisait pas, l’État puissance américain se réservait tantôt un droit d’immixtion politique directe qui allait jusqu’à imposer un régime dictatorial , tantôt une intervention militaire pure et simple .
En revanche, après l’effondrement du camp socialiste et essentiellement dans les toutes dernières années, l’État puissance américain a recours à ladite démocratie. En fait, le système pluraliste permet aux agents mondiaux (économiques et autres) d’obtenir par l’intermédiaire de la société civile la conformation de l’État pouvoir aux prescriptions de l’ordre international, qui est largement l’ordre voulu par le complexe hégémonique, avec en tête l’État puissance américain. C’est ainsi que l’argument autoritaire, à l’ère de la «globalisation», est avancé par les tenants de la doctrine de l’État souverain, c’est-à-dire les États pouvoir de la périphérie qui se veulent autarciques. Les exemples récents de la Serbie et de l’Irak révèlent ce phénomène, qui montre d’autre part la voie extrême par laquelle l’État puissance essaie de transformer en décision sa propre volonté.
D’une façon générale, le recours à l’argument des droits de l’homme et de la «démocratie» de la part d’un État puissance hégémonique apparaît comme allant en faveur d’un renforcement du cadre réglementaire de l’ordre international. Or, c’est le contraire qui, en principe, se produit. L’État puissance, ayant besoin de l’État pouvoir pour traduire sa volonté en décision, combine le principe de la réduction de la souveraineté du pouvoir politique de l’État avec le recul du cadre réglementaire à l’intérieur de l’État. Les théories qui valorisent ladite société civile, voire le projet de la bonne gouvernance, ne font que promouvoir les rapports de force, tout en prétendant que les forces intermédiaires deviennent des partenaires du pouvoir de l’État. Désormais, la rencontre du pouvoir politique avec la société ne se fait plus via les forces politiques qui assurent plus ou moins la fonction d’une représentation indirecte de cette dernière, mais au niveau de la synthèse issue de la rencontre des forces intermédiaire avec la classe politique au pouvoir .
Dans ces conditions, la politique interne se conçoit largement en termes de puissance et non plus comme pouvoir. Bien que la puissance ne forme pas le pouvoir, l’action du pouvoir est désormais directement conditionnée par la puissance. Les agents économiques et politiques internationaux s’ajoutent aux clivages internes et deviennent ainsi des facteurs constitutifs du processus de la politique indigène, et essentiellement des partenaires du pouvoir politique de l’État, se substituant à la société.
Le recul de l’État pouvoir à référence représentative indirecte au profit des forces intermédiaires où dominent les groupes puissants n’est pas sans conséquences : on le voit dans la marginalisation du poids de la citoyenneté et, au-delà, dans l’aggravation des conditions de travail, des inégalités ou de la prévoyance, voire dudit État de droit, entre autres .
4. Nous présumons que l’État puissance ainsi que l’approche de la politique comme puissance révèlent un environnement anthropocentrique primaire – en l’occurrence celui de l’ordre international – où la liberté fondamentale et les droits sous-jacents ne sont pas garantis. Si, pourtant, on reconnaît que ce climat est propre à la «barbarie», pourquoi l’insistance sur la constitution statocentrique du cosmosystème anthropocentrique global ? Car l’approche de la politique en termes de puissance correspond précisément au statocentrisme. Faut-il admettre, avec le monde moderne, que le statocentrisme est l’unique forme possible de constitution politique de l’être humain et que, donc, l’humanité ne peut se passer de lui ? Cette affirmation exige l’exclusion de l’autre hypothèse, c’est-à-dire que le statocentrisme est plutôt une phase de l’évolution historique. En ce cas, l’adoption de cette position nous permettra d’admettre que le développement anthropocentrique n’est pas envisageable uniquement dans la société de l’État mais aussi au niveau du cosmosystème global.
L’avancement, à titre d’hypothèse, de l’idée que le statocentrisme est une phase et non pas une forme définitive d’accès au cosmosystème anthropocentrique nous amène, premièrement, à nous interroger sur la raison de l’absence, de nos jours, voire de l’impossibilité d’un cosmoÉtat. Et, deuxièmement, à nous poser la question du précédent historique. Ces deux interrogations reviennent à réfléchir dans quelles conditions on peut constituer un cosmoÉtat, étant donné que nous sommes prêts à reconnaître que l’approche de la politique en termes de puissance n’est pas conforme à un développement anthropocentrique de l’humanité digne d’une civilisation «démocratique».
Le paradigme Europe nous offre une certaine idée dans la mesure où il forme un système politique superposé mais sans accéder à un État propre. En effet, l’Europe politique correspond aux conditions et aux priorités du cosmosystème moderne ; elle n’est pas conçue comme un projet alternatif au statocentrisme. Pourtant, son paradigme est intéressant du fait qu’il suggère comment une entente inter-étatique peut évoluer, à partir d’une simple synergie régionale, en système politique pluri-État régi par le droit international. Même s’il ne forme pas un État au sens propre du terme, les relations entre États deviennent des relations de pouvoir soumises à un cadre réglementaire. C’est en raison de cette transformation de l’Europe en système politique que la citoyenneté européenne peut naître avec tout ce que cela signifie pour l’extension relative des droits qui s’y rattachent.
5. Le paradigme qui prouve que le statocentrisme représente tout simplement une phase dans l’évolution du cosmosystème anthropocentrique global est celui du monde Hellène. L’approche de l’hellénisme sous l’angle d’un cosmosystème à base anthropocentrique nous permet de tirer des conséquences très intéressantes pour le précédent historique et pour le cosmosystème anthropocentrique moderne.
Le cosmosystème hellénique, fondé sur la petite échelle de la cité, après avoir vécu une période statocentrique tourmentée due aux clivages provoqués par la dialectique entre l’État politéia (l’État pouvoir, voire l’État démos) et l’État puissance, passa au stade méta-statocentrique ou œcuménique. Or, la phase œcuménique se distingue par l’inclusion du cosmos anthropocentrique dans une nouvelle instance politique, un cosmoÉtat. Les cités ne sont pas supprimées mais le cosmosystème qu’elles forment – ou du moins une large partie de celui-ci – se constitue en cosmopolis. La période hellénistique, romaine, y compris l’ère byzantine, et, d’un certain point de vue, la période ottomane correspondent à la phase œcuménique du cosmosystème hellénique. Le système politique de la cosmopolis, la cosmopolitéia, est composé par les cités et la Metropolis, celle-ci assumant la fonction de système central de la cosmopolis. Les cités conservent jusqu’à la fin – au XIXe siècle – des fonctions correspondantes à celles de la cité État, elles ne sont pas réduites à un statut d’administration locale .
On s’aperçoit alors que la cité(-État), dans le cadre de la cosmopolis, perd son caractère d’État puissance vis-à-vis des autres cités et s’inscrit comme une composante institutionnelle de la cosmopolitéia. La politique interne continue à se former comme pouvoir, au sens où elle est incarnée par l’État, ou bien en espace de liberté, au sens où elle s’identifie au corps social politiquement constitué, le démos . De même, la politique externe est exercée non plus par la cité(-État) mais en conséquence de la nature propre du système interne: soit par le pouvoir de la cité(-État) soit par la société des citoyens (le démos) de la cité. C’est ainsi que le citoyen (le polite) d’une cité devient, en vertu de cette qualité, citoyen de la cosmopolis – cosmopolite – et, de ce fait, jouit partout, dans toute cité, des privilèges qui sont attachés à son statut.
6. Si le statocentrisme est une phase dans le développement anthropocentrique du cosmosystème, force est de se demander quand ou dans quelles conditions il sera dépassé, de sorte à assurer la transition vers la phase œcuménique. Cette question peut se résumer dans la suivante : ou va le monde moderne ?
La phase œcuménique que nous avons reconnue dans le cosmosystème hellénique n’est certainement pas pour demain. La transition œcuménique sera, elle aussi, le résultat d’une maturation du statocentrisme, et, au-delà, de l’environnement anthropocentrique à l’intérieur de l’État. Le dépassement du statocentrisme apparaîtra comme le fait de la transition de la «société étatique» – d’une politéia établie sur la base de pouvoir – à la société politique – à une politéia démocratique – et au-delà, du débordement de ses limites .
De même, la «globalisation» constitue une simple étape morphologique à l’intérieur du statocentrisme, où l’État pouvoir perd sa souveraineté mais ne change pas de nature. C’est pourquoi l’État puissance continuera à apparaître comme le fondement du cosmosystème global et donc à caractériser les relations au-delà de l’État. Cette réalité oblige le complexe hégémonique et essentiellement l’État puissance américain à chercher à confirmer sa volonté vis-à-vis des États pouvoir via les rapports des forces.
La contradiction en l’occurrence est que le complexe hégémonique à l’époque de la «mondialisation» puise une partie de plus en plus importante de sa prospérité dans un environnement qu’il ne contrôle pas en tant que système de pouvoir mais comme puissance. D’où le fait que le coût de la prospérité devienne de plus en plus grand, comparé à celui de la période du colonialisme, quand l’accumulation était une affaire, en principe, interne à l’État colonial. Nous ne nous référons pas seulement à la dysharmonie sans cesse croissante entre consensus, inhérent au concept du pouvoir en soi, et puissance, qui dépend de la résistance des peuples visés, mais aussi à l’opposition que comporte la coupure même entre système interne (qui réclame une légitimité «démocratique») et système externe (qui est par définition dynastique). Or ces grincements du système, nul ne sait jusqu’à quel point ils continueront à être absorbés par ledit système sans provoquer de crise irréversible dans le statut statocentrique du cosmosystème global.
D’autant plus qu’à moyen terme, ni l’État puissance américain et les États qui forment le complexe hégémonique n’ont le poids nécessaire pour s’imposer en cosmoÉtat, ni les États pouvoir ne semblent prêts à démissionner de leur volonté d’indépendance. Dans ce cadre, l’approfondissement de la crise issue de la dynamique statocentrique va constituer de toute évidence la constante dans l’avenir, prouvant ainsi qu’elle est inhérente à la phase vécue par le cosmosystème moderne et non pas une situation irréversible liée à la nature humaine.
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